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En effet, ce projet s'inspire en partie d'un autre projet de 2002 appelé CHANTIER(s). Comme quoi:
"Il n'est pas besoin d'espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer."

Et en attendant l'ouverture du Tetris en 2013, des sessions de concerts auront lieu en 2012 sous chapiteau au Fort de Tourneville.

LEVEL 1 du 15 au 28 Mars +++ LE PROGRAMME




1 décembre 2009

Une réponse à l'identité nationale.


N'ayez pas peur du noir... / Les Indivisibles /
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Une idée de la culture... vue par l'état!

Un Conseil à ne pas suivre.   Article du Monde Diplomatique dec. 2009.

« La crise renforce le besoin de culture », diagnostiquait en janvier dernier M. Nicolas Sarkozy, ajoutant que c’est « à l’Etat de porter ce message » (1). Comme on sait, le  président de la République a l’habitude de mettre ses idées en pratique ; c’est pourquoi il a décidé, en relation avec cette forte analyse des conséquences du krach, d’instituer, en février, un inédit Conseil pour la création artistique.

Ainsi, la France, continuant à faire briller les feux de son exception, affirme par sa voix la plus officielle que la culture peut être la réponse à la crise. C’est inattendu. Comme souvent lorsque le mot « culture » est utilisé, il est difficile de comprendre de quoi il retourne au juste. Mais M. Sarkozy précise ce qu’il entend par ce vocable : « Notre culture est notre bien le plus précieux, elle donne du sens à notre vie personnelle, elle est ce qui porte notre société et la fait tenir ensemble, elle est ce qui restera de notre civilisation (2). » Il semblerait que, dans son esprit, la « culture » soit identifiable aux « valeurs » : « Bien plus qu’une crise financière, qu’une crise économique et sociale, c’est une crise morale et culturelle que nous traversons (3). » En résumé, c’est la « confusion des valeurs » qui fait monter le chômage.

Le 3 février 2009 était une date symbolique pour ceux qui sont attachés à l’histoire, à l’action et à l’avenir du ministère de la culture, puisqu’il fêtait ce jour-là son cinquantième anniversaire. De façon tout aussi symbolique, c’est la veille de cet anniversaire que le Conseil était installé. Le discours pour lancer les manifestations du cinquantenaire prononcé par Mme Christine Albanel, alors ministre, ne suscita pas un intérêt brûlant : le président lui avait impeccablement volé la vedette. La manœuvre était bien un peu taquine, mais elle avait le mérite de la franchise : le Conseil apparaissait ainsi comme un contre-projet, et, sans être directement critiqué, le ministère se retrouvait dans la pénombre qui sied aux préretraités. M. Sarkozy n’en faisait d’ailleurs pas mystère : il entendait bousculer le « conformisme », secouer les immobilismes là comme ailleurs, et ne pas renoncer à sa célèbre intrépidité : « Ma parole est plus libre que celui qui produit et qui doit faire attention à ce qu’il dit. (...) C’est donc à moi de donner un coup de pied dans la fourmilière (4). » L’image devrait laisser rêveuses les fourmis concernées.

Depuis son élection, le chef de l’Etat n’a pas vraiment suscité d’élan d’amitié dans les milieux culturels, plus ou moins de gauche. Il est vrai qu’il ne trouve pas toujours les mots justes pour s’adresser à eux (voir plus haut), ce qui peut agacer. Et quand il justifie la création de son Conseil en se donnant pour prédécesseurs Charles V et François Ier, il paraît peu sensible aux vertus de la République — moins portée sur la construction des châteaux de la Loire que sur la nationalisation du palais du Louvre —, ce qui peut surprendre le citoyen en général, et l’acteur du monde culturel en particulier. Il est encore plus vrai que ce fameux Conseil, où siègent douze membres sous la houlette de M. Marin Karmitz, a notamment pour caractéristique remarquable d’être présidé par... le président de la République et de rendre des comptes, à en croire M. Karmitz, avant tout au président — ce qui peut troubler (5).

Mais enfin, il convient, si l’on souhaite se délester du fardeau des archaïsmes et améliorer notre compétitivité internationale, de ne pas se crisper sur des principes vieillots comme le refus, en démocratie, de la personnalisation à outrance du pouvoir présidentiel, et de ne juger d’une initiative que par ses objectifs et ses résultats ; ce qui importe, c’est le concret.

Les objectifs du Conseil sont délicieusement consensuels : il doit « encourager l’épanouissement de grands artistes français, attirer sur notre sol les plus grands créateurs étrangers, faire fructifier les talents, semer les œuvres dans les rues et sur la toile numérique (6) ». Certes, on est un peu loin de la définition par André Malraux des missions du ministère de la culture : « Rendre accessibles les œuvres capitales de l’humanité et d’abord de la France au plus grand nombre de Français, assurer la plus vaste audience à notre patrimoine culturel, et favoriser la création des œuvres de l’art et de l’esprit qui l’enrichissent. » Mais il est vrai que l’Etat entend désormais impulser un « changement de culture » et effacer des « décennies de mauvaises habitudes » (7).

Le Conseil va donc corriger les errements d’une politique culturelle quinquagénaire sinon cacochyme, en se concentrant sur les créateurs, reconnus ou émergents, et sur la popularisation des créations, enfin sorties de leur cadre académique, qui les éloigne par trop du peuple, de la jeunesse, de la modernité.

Tout est à peu près clair dans la répartition des « missions » : le ministère s’occupe du patrimoine, le Conseil se charge de la création et de sa diffusion. Décidément, la marginalisation s’accentue d’un ministère qui ne finance plus d’ailleurs qu’un quart de la dépense publique culturelle. Mais il n’est pas non plus tout à fait impensable que l’élaboration de ce Conseil ait été conçue comme une « opération séduction » à destination des artistes, et plus largement de ceux à qui importe la vie culturelle. A première vue, il faudrait avoir très mauvais esprit pour s’y opposer.

A deuxième vue, il est quand même difficile de ne pas s’adonner aux charmes toniques du mauvais esprit.

Le Conseil, conçu comme un « service de recherche et développement », pour citer M. Karmitz, a rendu publiques, en septembre, dix idées destinées à « mettre en œuvre une politique culturelle d’envergure pour le temps présent et l’avenir », selon les termes du communiqué officiel. C’est entendu, comme disait Pierre Dac, les prévisions sont difficiles, surtout quand elles concernent l’avenir ; mais, pour le présent, on peut avoir un point de vue. Il est attristé. Tout d’abord, sur dix propositions, seules deux concernent la « création » ; et pour y avoir accès, encore faut-il, conditions sine qua non, être jeune et relativement peu préparé. L’une porte sur l’appropriation de « lieux historiques » à utiliser « à des fins inventives » ; l’autre, sur l’ouverture d’une école de cinéma installée sur une péniche, au pied des cités, et proposant de faire du « cinéma de rue ». On admirera le flou des « fins inventives » et on rêvera sur le « populaire » des cités s’épanouissant dans le cinéma populaire : à chaque catégorie sociale son esthétique...

C’est tout. C’est peu. Mais c’est que l’essentiel du programme relève d’une volonté de « démocratisation de la culture », jugée trop élitiste : un musée nomade pour présenter les œuvres du XXe siècle ; un service de vidéos à la demande pour les étudiants ; la participation à des orchestres classiques de jeunes en situation difficile, dans les quartiers sensibles, et n’ayant jamais pratiqué la musique... C’est mignon. Et si fluet que c’en est étonnant. Avec cette série de gadgets bien-pensants qui ne constitue en rien une politique culturelle, on frôle allègrement la démagogie, qu’il suffit de rebaptiser démocratisation pour lui donner belle allure.

Tout paraît sans surprise, et inoffensif... Sauf que d’autres missions attribuées à ce Conseil ont été moins mises en lumière : il doit notamment « examiner en priorité les mesures de nature à permettre le développement de nouvelles sources de financement de la création artistique (8) ». Ah ! Comme le précise M. Karmitz, il faut « garder du public et mettre dans le coup du financement privé » ; les artistes ne doivent pas « se considérer uniquement comme des assistés (9) ». Les subventions publiques seraient donc de la « charité » ? La culture pourrait donc être une affaire rentable ?... On comprend mieux le silence du Conseil concernant le théâtre, si regrettablement coûteux, et sa passion pour le numérique, qui entre dans au moins quatre de ses propositions. On comprend mieux que la « création » ait une place aussi maigrelette, et qu’il soit davantage question ici de « publics » que de « citoyens ».

D’après M. Karmitz, fondateur de la société MK2 — 70 millions d’euros de chiffre d’affaires —, « la culture ne peut se faire que dans la rébellion ». Contre les fins de mois difficiles ? Ou contre la réforme libérale du ministère de la culture (10) ?

Evelyne Pieiller.

Ecrivaine, auteure notamment de Dick, le zappeur des mondes, La Quinzaine littéraire, Paris, 2005 ; de L’Almanach des contrariés, Gallimard, coll. « L’arpenteur », Paris, 2002.

( 1 ) « Vœux aux acteurs de la culture », Nîmes, 13 janvier 2009.

( 2 ) Discours à l’occasion de l’installation du Conseil pour la création artistique, Paris, 2 février 2009.

( 3 ) « Vœux aux acteurs de la culture », op. cit.

( 4 ) Ibid.

( 5 ) Le premier ministre et le ministre chargé de la culture en sont membres de droit.

( 6 ) Discours à l’occasion de l’installation du Conseil..., op. cit.

( 7 ) Ibid.

( 8 ) Décret portant sur la création du Conseil, 30 janvier 2009.

( 9 ) Entretien avec Jean-Pierre Elkabbach, Europe 1, 14 janvier 2009.

( 10 ) Le Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac) réclame la dissolution du Conseil.